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Temporada : Madrid, San Isidro : un pont de l’Ascension en fanfare (Pierre Nabonne) |
(29/05/2017) |
Décidément, les week-ends semblent réussir aux Madrilènes. La Feria de San Isidro dure un mois, rien que ça, jusqu’au 11 juin, mais il ne se passa pas grand-chose au tout début.
Morenito de Aranda récolta une oreille, et David Mora, qui avait failli perdre la vie ici même en 2014, obtint un trophée devant des Parladé bien décevants. Pour la corrida de la Presse du vendredi 19 en présence du Roi Emérite D. Juan Carlos, le 1° adversaire de Talavante, très décevant comme la plupart des exemplaires du Puerto de San Lorenzo, ne lui laissa aucune possibilité de se mettre en valeur, mais Alejandro conquit véritablement l’assistance devant le 3°sobrero, toréant au ralenti dans un souverain détachement. L’oreille justement obtenue fit l’unanimité de tout le conclave. Il fallut toutefois attendre le samedi pour que Diego Ventura mette véritablement le feu à Las Ventas. Il s’était beaucoup plaint des toros de Bohorquez à Séville, mais là ceux de Los Espartales lui permirent de sortir le grand jeu : un tour de piste et demi avec son premier collé aux flancs de sa monture, puis un autre en sens inverse, le public debout et une oreille, pas cher payée… Son second adversaire n’était pas aussi marathonien, mais Diego l’entraîna dans des terrains impossibles pour des passages époustouflants au ras des planches. Et une seconde oreille lui permit une treizième sortie par la Puerta Grande, série en cours. Le lendemain, 21 mai, le grand triomphateur de Séville, Antonio Ferrera, fut encore superbe devant du bétail de Las Ramblas. Nous n’avions pas vu meilleur lidiador depuis Luis Francisco Esplá dans ses grands jours, c’est dire. Pourquoi le président refusa la seconde oreille, lui seul le sait…
En début de semaine, la torpeur s’installa pourtant dans les gradins, malgré l’entrain des prometteurs novilleros lundi, Colombo en premier. Ensuite les Valdefresno ne relevèrent pas le niveau, côté bétail ; Juan Leal, vaillant jusqu’à la témérité, fut le seul à recevoir les honneurs d’une ovation et saluts mardi dernier. Le lendemain, notre autre Arlésien, Juan Bautista, impeccable, étala une maîtrise que plus personne n’oserait lui contester. Alejandro Talavante resta en piste jusqu’au bout, malgré un sérieux coup de corne à la cuisse. Ensanglanté mais refusant un garrot, il continua comme si de rien n’était. Et il eut raison. Son toreo sans fioritures émut Madrid, et il récolta une oreille chèrement gagnée avant de rejoindre l’infirmerie. Le jeudi de l’Ascension, avec la confirmation d’alternative d’Alvaro Lorenzo et de Ginés Marín par El Juli, permit de vivre la première sortie par la Grande Porte d’un jeune torero de Jerez, 20 ans à peine et un talent rare. Prestance, élégance, classe dans ses séries de la droite comme de la gauche, magnifique coup d’épée, on trouva tout cela dans la seconde prestation du garçon, récompensé par les 2 oreilles de l’excellent 6° Alcurrucen : ce n’était plus une confirmation, ce fut une consécration ! Le maître de cérémonie, Julián López « El Juli » aurait pu l’accompagner dans la sortie a hombros. Hélas, après un premier pavillon plus que mérité, un pinchazo avant l’estocade de son second fit s’évanouir les espoirs de triomphe.
Et l’histoire de la malchance à l’épée se répéta le lendemain pour Sébastien Castella. Auteur d’une sensationnelle faena face à son 1°, un remarquable toro de Jandilla, 527 kilos de bravoure, notre Biterrois, acclamé par 24.000 aficionados en extase, avait les deux oreilles assurées si l’épée était entrée. Hélas, il dut se contenter d’une demi estocade et d’un seul trophée après la vuelta posthume de son noble adversaire. Restait encore son second, un sobrero de Salvador Domecq manquant de fond, pour aller chercher sa 5° Grande Porte à Las Ventas. Sébastien s’engagea de tout son cœur, de tout son courage devant un ennemi des plus retord, devant une assistance une nouvelle fois conquise. Hélas, le pinchazo…Eh oui, Madrid reste tout de même Madrid et notre brillant compatriote dut en rester sur la neuvième oreille coupée en 16 festejos. Ginés Marín se retrouvait à nouveau à Las Ventas, deux jours après son triomphe. Hélas cette fois, malgré tous ses efforts pour transmettre un peu d’allant aux toros de El Torero (tu parles), il n’y avait rien à faire devant de tels mansos, son premier invalide, son second affecté d’un problème de vision. Francisco José Espada, qui confirmait son alternative, se retrouva rapidement à l’hôpital avec un sérieux traumatisme crânien. Restait le troisième homme, Joselito Adame. Et le Mexicain mit tout le monde d’accord par la qualité de ses naturelles devant le dernier d’une tarde qui, avant le 6° toro, était à oublier. Mais on n’avait encore rien vu : bousculé dans ses bernadinas finales, la muleta arrachée, il la récupéra au vol sans se soucier des cornes toutes proches pour terminer sa série. C’est vrai, il avait sans doute décidé qu’il n’en avait plus rien à faire puisqu’il s’en débarrassa aussitôt pour se jeter sur le fauve pour le crucifier sur le champ, au prix d’une voltereta dont il se releva sans trop de dégâts…et une oreille gagnée en se jouant la vie à pile ou face. Et le week-end se termina avec les rejoneadores sur une double Puerta Grande devant des arènes pleines, la 14° pour Diego Ventura absolument unique, récompensé par une et deux oreilles, accompagné dans son triomphe par Leonardo Hernández, une et une oreilles. Allez, on en redemande et il reste encore deux semaines ! Pierre Nabonne.
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