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Temporada : Clap de Fin à Madrid, entre ombres et lumières. (Pierre Nabonne) |
(13/06/2018) |
Et voilà, la San Isidro s’est achevée ce 10 juin sur un septième et dernier No hay Billetes à l’occasion de la corrida de la Presse, en présence du Roi Felipe VI en barrera. Seulement les toros de Victorino, tous magnifiquement présentés, encastés et compliqués comme on l’attendait n’ont que rarement permis aux toreros de s’exprimer à fond. Le premier donna le ton en snobant la cape présentée par Manuel Escribano venu s’agenouiller pour une réception à hauts risques face au toril (ce fut bien plus spectaculaire face au quatrième) et le courageux ne put guère s’illustrer qu’aux banderilles. Paco Ureña, tout juste convalescent après les sévères blessures subies au campo mais égal à lui même, fut appelé à saluer à l’issue de son premier combat, tout comme Emilio de Justo (ainsi que ses banderilleros Pérez Valcarcel et Morenito de Arles) au sixième après une prestation très engagée qui lui permit de se réconcilier avec l’afición madrilène qui le boudait depuis huit ans. Notre Sud-Ouest qui l’a souvent vu triompher à Dax comme à Mont de Marsan ou tout récemment à Vic-Fezensac lui a, pour sa part, souvent fait confiance et il n’y a jamais déçu. Ce n’est que justice qu’il ait enfin retrouvé chez lui également le crédit qu’il mérite. Il en va de même pour Octavio Chacón, excellent à la cape comme à la muleta, qualifié de « torero révélation de la Feria » après une prestation de haut niveau devant des Saltillo plus que difficiles. La demande de trophée était totalement majoritaire mais le président, au lieu de montrer le mouchoir blanc synonyme d’oreille, sortit inexplicablement le bleu accordant, à la stupeur et à la réprobation générale, la vuelta posthume pour l’animal qui n’en méritait vraiment pas tant. Comprenne qui pourra…Sans chauvinisme aucun, nous nous permettrons tout de même de rappeler que la France lui a permis, tout comme à Emilio de Justo d’ailleurs, de donner une nouvelle impulsion à sa carrière et il sera très attendu au Plumaçon montois le 22 juillet face aux toros de Dolorès Aguirre. Si Octavio Chacón dut se contenter d’une très chaleureuse vuelta al ruedo ce 4 juin, Ginès Marín (en présence du roi émérite D.Juan Carlos et de l’infante Elena deux jours plus tard) et Pepe Moral devant « Chaparrito », un magnifique exemplaire d’Adolfo Martín qui, lui, aurait bien mérité la vuelta demandée majoritairement par l’assistance, réussirent à couper une oreille chacun. Pour le reste, assez peu de choses à souligner hormis l’estocade (la meilleure pour le jury) de trompe-la-mort du Colombien Luis Bolivar se jetant dans le berceau des cornes impressionnantes d’un toro de Escolar Gil. Rappelons toutefois que dans le même genre, celle de Sébastien Castella pour son triomphe des deux oreilles devant son second Garcigrande, 597 kilos et une belle présence, n’était pas mal non plus ; elle lui valut aussi, outre les diverses blessures signalées dans l’article du 4 juin, deux côtes fracturés qui ne le dissuadèrent pourtant pas d’honorer son troisième paseo à Las Ventas, 48 heures après: chapeau !
Finalement, le feu d’artifice éclata avec un peu d’avance la veille de la clôture officielle, le 9 juin au soir lors de la corrida équestre avec le mano a mano annoncé entre Andy Cartagena et Diego Ventura. Andy avait déjà coupé une oreille de son premier toro de Los Espartales (tous excellents) quand Diego entra en piste pour faire déjà mieux, 2 oreilles. Mais on n’avait encore rien vu ! Il attendit son second, « Biemplantao », 537 kilos, à la puerta des chiqueros pour débuter une immense démonstration. Tout y passa, galopades, quiebros spectaculaires, pirouettes, adornos et même banderilles à deux mains avec son cheval Dolar débridé, le tout aux cris de « Torero, torero » des 23.000 spectateurs en lévitation. Il ne manquait que le rejón de muerte foudroyant, et Diego Ventura exultant recevait les deux oreilles et la queue de son opposant, la première octroyée à Las Ventas depuis le rabo coupé par Sebastián Palomo Linares le 22 mai 1972. Après qu’Andy Cartagena, toujours aussi vibrant, eut coupé son second trophée, Diego aurait presque pu doubler la mise devant son dernier après avoir atteint de nouveaux sommets de l’art du Rejoneo, mais le final l’obligea à mettre pied à terre pour deux molinetes souverains et un descabello foudroyant lui valant une cinquième oreille. Il ne lui restait qu’à franchir pour la seizième fois la Puerta Grande pour une sortie d’apothéose, accompagné par Andy, le rejoneador de Benidorm qui pour sa part en totalise déjà dix.
Vraiment pas mal, mais en ce 9 juin c’est bien Diego Ventura qui est entré dans la légende. Après les triomphes de nos représentants et de quelques autres aussi, le centaure de La Puebla del Río aura grandement contribué à faire de cette Feria de San Isidro 2018 une édition historique. Pierre Nabonne
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