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Temporada : Ombres et Lumières sur Vistalegre (Madrid).
(18/05/2021)
Pour la seconde année consécutive la pandémie a eu raison de la Feria de San Isidro organisée habituellement aux mythiques arènes de Las Ventas. Madrid possède toutefois une seconde plaza, couverte celle-ci, au Palacio de Vistalegre. Construite dans le quartier de Carabanchel à l’emplacement d’une autre beaucoup plus ancienne datant de 1908, elle héberge événements sportifs, musicaux et taurins depuis une vingtaine d’années, avec Curro Romero, Manzanares père et Enrique Ponce au cartel inaugural en 2000.
Prévue pour accueillir 15.000 spectateurs, les contraintes sanitaires ont considérablement réduit sa jauge mais beaucoup de sièges restent pourtant désespérément vides depuis les premières sonneries de clarines annonçant l’ouverture du cycle taurin, jeudi dernier 13 mai. Les excellentes manières et la volonté retrouvée de Ginés Marín lui valurent une belle oreille d’un toro de El Pilar particulièrement combatif qui l’obligea à beaucoup s’employer dans un vrai bras de fer et Alvaro Lorenzo obtint lui aussi son trophée, lequel nous parut quelque peu généreux.
Le lendemain Morante de la Puebla fit l’unanimité devant son premier Juan Pedro Domecq (tous très bien présentés, nobles mais manquant de fond). Seigneurial comme à son habitude à la cape, il se montra particulièrement créatif dans une faena achevée par des doblones genou au sol véritablement magistraux. Après une estocade habile le maigre public demanda les deux oreilles mais la présidence n’en accorda chichement qu’une seule, allez donc savoir pourquoi…Nous attendions l’artiste face à son second mais le récital espéré tourna cette fois au fiasco. Il fallut renvoyer aux corrales un opposant invalide, mais le sobrero de Daniel Ruiz n’inspira pas davantage Morante qui s’en défit sous les sifflets. Et comme Enrique Ponce et Pablo Aguado ne purent nous offrir que quelques jolis détails isolés, la soirée nous laissa un goût d’inachevé. La nouvelle du triomphe du prometteur nîmois Raphaël Raucoule «El Rafi» à Cordoue pour sa dernière novillada avant l’alternative du 12 juin vint ensuite fort à propos pour nous remonter le moral.
Le samedi pour le début du week-end, le public n’était guère plus nombreux mais les absents eurent tort. Devant de beaux et bons toros de Alcurrucén des échecs répétés aux aciers privèrent Paco Ureña et surtout El Juli d’un triomphe majuscule que Julián méritait amplement. On connaît surtout le José María Manzanares épris d’esthétisme, mais là il fit aussi appel à une science et un courage dignes d’éloges pour dominer un adversaire particulièrement retors qui l’envoya à 3 mètres de hauteur dans une voltereta heureusement sans conséquences fâcheuses. L’Alicantin repartit au combat comme si de rien n’était et les mouchoirs fleurirent après une belle épée entière mais le président resta de marbre… D’accord nous sommes à Madrid mais la plaza de Vistalegre n’est toutefois classée qu’en seconde catégorie: peut-être l’avait-il oublié ?
Le dimanche était réservé au festejo de rejones, et pour l’occasion le palco se montra mieux disposé en gratifiant Pablo Hermoso de Mendoza d’une petite oreille. Léa Vicens obtint une récompense identique face à son premier Bohórquez après une prestation nettement plus aboutie, achevée d’un profond rejón et d’un définitif descabello. Mais le meilleur était à venir avec le jeune Guillermo, le fils de Pablo, qui fit le spectacle en deux démonstrations de haut vol d’extraordinaire vibration. Le rejón final dans les côtes clôturant la seconde n’était certes pas académique et ne valait sûrement pas les deux oreilles demandées et obtenues par l’assistance mais la bise de la gentille Léa au lauréat du jour était, elle, parfaitement méritée.
Ce lundi 17 mai voyait Antonio Grande, Tomás Rufo et Manuel Perera affronter des novillos de El Freixo, l’élevage du maestro Julián López «El Juli». Si Antonio fit bonne figure et obtint un pavillon, Tomás Rufo laissa une impression considérable à ceux qui eurent la chance de le voir à l’œuvre de visu ou sur nos écrans et il s’en trouva récompensé par trois oreilles méritées. Manuel Perera, le protégé de Juan José Padilla, nous séduisit d’emblée par son envie de triompher lors d’une faena très exposée. Mais la façon dont il fut pris lors de son estocade d’un engagement total nous glaça d’effroi. Le novillo roula au sol en laissant l’une de ses oreilles à la cuadrilla du novillero, une maigre mais bien réelle satisfaction dans ces dramatiques moments. Après des minutes qui nous parurent une éternité, des nouvelles plus rassurantes nous parvinrent enfin de la porte de l’infirmerie où l’équipe du docteur Crespo l’opérait de toute urgence, indiquant que le pronostic vital n’était plus engagé. Ouf ! Le communiqué médical soulignait toutefois que le jeune homme, 19 ans à peine, a été victime de deux graves cornadas de 30 et 40 centimètres dans la zone inguinale, et il a été transporté dans la soirée dans un hôpital madrilène où son état est jugé aujourd’hui, mardi 18 mai 2021, aussi satisfaisant que possible en pareil cas: un véritable miracle !!
Nous espérons vous compter la suite et fin de cette Feria assez particulière en début de semaine prochaine.
Pierre Nabonne



 
 
 
 
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