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Temporada : Féria de Béziers 2024 : La pluie, le vent, des toros et des hommes ( Compte-rendu Pierre Nabonne) |
(21/08/2024) |
Dès le 13 août au soir au stade Raoul Barrière, l’affrontement entre rugbymen biterrois et narbonnais avait déjà fait monter la pression. Alors que dans les casetas et bodegas tous s’affairaient pour les derniers préparatifs, la procession de la Vierge du lendemain entraînait vers les arènes plus de 5.000 personnes se préparant à assister à la messe inaugurale. Sur les Allées le coup d’envoi des festivités était donné et c’était parti pour une première nuit de folie orchestrée par Patrick Sébastien pendant qu’au Plateau des Poètes le début du festival de Flamenco ravissait les amateurs de cet art singulier. Les aficionados attendaient avec impatience la première des quatre corridas, programmée pour le jeudi 15 août sous un ciel menaçant. Après des queues impressionnantes aux guichets les arènes étaient quasiment pleines quand les caméras du site spécialisé espagnol «Onetoro Tv» (qui se prévaut d’abonnés de 90 pays différents) se mettent en action pour couvrir en direct l’intégralité de la Feria biterroise. Après le grand air de Carmen entonné avec maestría par le baryton Frédéric Cornille suivi d’une vibrante Marseillaise, le paseo s’avance sous les premières gouttes, annonciatrices d’une averse mémorable. Les vannes célestes s’ouvrent, le tonnerre gronde, un poteau électrique s’allume au moment même où Sébastien Castella, impavide, débute à genoux sa première faena de muleta. Il l’achèvera d’un bon coup d’épée qui lui permet de recevoir la première oreille du jour, laquelle sera suivie plus tard d’une seconde après que la pluie ait enfin cessé. Aucun des toros de Jandilla ne méritera de mention particulière mais pour Andrés Roca Rey il ne saurait être question de rester en retrait et une faena bien conçue face au cinquième, un final au plus près des cornes et une estocade engagée lui valent une double récompense, un peu généreuse peut-être. Après ses récents triomphes à Aignan, Istres et Châteaurenard Christian Parejo tient pour sa part à confirmer tout le bien que l’on pense de lui dans sa ville d’adoption et il s’en sort fort bien, récoltant une oreille très méritoire du dernier. Allez, il ne reste qu’à bien nous sécher avant de fêter ça… Mais côté conditions météorologiques la partie s’annonce difficile pour le lendemain. Le matin, la novillada sans picadors permet à Victor Clauzel, de l’école taurine d’Arles, de remporter un succès qui en appelle d’autres mais l’après-midi, à trois quarts d’heure du paseo, un orage d’anthologie se déchaîne, transformant la piste en bourbier. Après d’interminables palabres entre les trois toreros annoncés, Alejandro Talavante, Daniel Luque et Borja Jiménez et les organisateurs, la corrida est définitivement annulée, une décision logique mais terriblement frustrante au vu d’un cartel qui s’annonçait plus que prometteur devant les toros de Santiago Domecq. Bon gré mal gré il faut donc remettre nos espoirs au lendemain, et pour le coup les amateurs de l’art équestre ne vont pas être déçus. Après la remise de la médaille de la ville par Robert Ménard à Pablo Hermoso de Mendoza en pleine tournée d’adieux après plus de 30 ans au sommet de la spécialité, le rejoneador navarrais et Léa Vicens, notre Nîmoise préférée expatriée en Andalousie, vont rivaliser de brio et de maîtrise pour couper trois et deux oreilles et sortir ensemble par la grande porte des arènes. Après une nuit plus ou moins réparatrice, un franc soleil est enfin de la partie pour la journée dominicale. La novillada piquée d’ouverture permet à Lalo de María de réaliser une faena de belle allure primée par les deux oreilles d’un novillo de Malaga (l’élevage de la famille Callet, comme le nom ne l’indique pas puisque situé à une vingtaine de kilomètres d’Arles) et de remporter le Tastevin d’argent, trophée mis en jeu annuellement par l’Union Taurine Biterroise. Après une agréable mi-temps musicale ponctuée par le concours de Bandas et les derniers réglages pour le concert du soir où Joë Arlandis, l’un des (nombreux) sosies vocaux de Johnny, nous régalera d’un «Fils de personne» et d’une «Gabrielle» vraiment bluffants, nous affrontions une nouvelle fois la montée pour rallier les arènes, bien dites du Plateau de Valras. Et il allait s’y passer des choses, dans un vent tempétueux propre à décourager les meilleures volontés. Mais pas celles de trois toreros de notre sud de France, Juan Leal l’Arlésien, Clemente le Girondin et Carlos Olsina le Biterrois, confrontés aux toros de Margé. La ganadería, crée en 1993, vole de succès en succès après avoir validé en juillet dernier la reconnaissance de son ancienneté à Madrid et les six exemplaires choisis pour Béziers, combatifs et dotés de cornes impressionnantes, allaient faire honneur à leur devise aux couleurs bordeaux et or. Juan Leal (Steven pour l’Etat Civil) se fit sans doute une belle frayeur en trébuchant face à son premier mais il ne s’en émut pas pour autant et, après s’être sorti sans dommages de ce mauvais pas il s’employa à canaliser les charges de son second adversaire, quatrième de la tarde, avant d’user de son répertoire de proximité. Un coup d’épée efficace fit sortir les mouchoirs mais la présidence resta inflexible à la pétition des gradins. Juan put tout de même savourer sa revanche dans deux vueltas très fêtées avant d’écouter la bronca vengeresse destinée au palco présidentiel. Entre-temps Clemente (qui avait gracié un toro à Dax le 15 août) avait échoué au descabello de son premier et Carlos Olsina avait obtenu dans les bourrasques une fort méritoire oreille du troisième Margé. «Neptune», porteur du nom du dieu des mers et océans mais surtout du n° 86, né en mai 2019, affichant fièrement ses 510 kilos de bravoure, sortit donc en cinquième position pour être reçu à la cape par Clemente (Clément Dubecq, en réalité) avant de recevoir deux belles piques administrées par Puchano dont notre voisin de burladero Patrick Louis nous rappela qu’il avait fait partie auparavant de la cuadrilla de Jean-Baptiste Jalabert. Et Neptune confirma sa noblesse durant le tercio de banderilles et dans les premières séries de Clemente avant de répéter inlassablement ses charges. Alors que l’on commençait à s’agiter dans le callejón avec force gestes à l’appui en direction de la présidence, le torero y croyait de plus en plus et il fit durer le plaisir de la rencontre d’une muleta devenue, le vent s’étant calmé, presque soyeuse et d’un toro brave. Jusqu’à ce que M.Daudé sorte le mouchoir orange sauvant la vie de Neptune. Lequel ne se fit pas prier pour rentrer au toril avant de rejoindre, après avoir reçu les soins nécessaires, son domaine habituel des Monteilles près de Fleury-d’Aude. Comme souvent en pareil cas, la décision ne fit pas l’unanimité et les discussions allaient bon train alors que Clemente effectuait son tour d’honneur, deux oreilles symboliques en mains. Certains auraient préféré une belle estocade et une vuelta posthume amplement méritée pour le fier toro. Mais le final aurait-il été aussi enthousiasmant, nul ne le sait et la polémique alimentera longtemps les chroniques… Toujours est-il qu’il restait encore un dernier acte, et passer après un tel événement n’avait rien de facile pour Carlos Olsina. Lequel déploya toutes ses envies, son courage, son talent aussi devant l’ultime exemplaire de la Feria. Il y mit tout son cœur, jusqu’à se faire spectaculairement accrocher au moment du descabello, sans mal apparent heureusement. Ainsi la Feria se terminait bien, et nous avons déjà hâte de nous retrouver à Béziers l’an prochain. Sous le soleil exactement…. Pierre Nabonne.
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